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L’équipe d’e-TAC a échangé avec Patrick Lay, professeur de technologie au Collège Jean de la Fontaine de Saint-Avold. Patrick nous explique pourquoi et comment il s’est investi dans le projet.

Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans le projet e-TAC ?

Il y a plusieurs facteurs qui m’ont poussé à m’engager aux côtés de mes collègues du collège Jean de la Fontaine de Saint-Avold dans cette aventure pédagogique collective que représente le projet e-TAC. Déjà, il s’agit d’une opportunité exceptionnelle dans le parcours professionnel d’un enseignant de pouvoir être intégré pour plusieurs années consécutives dans un projet aussi ambitieux et aux côtés d’équipes de chercheurs déjà reconnus dans le domaine de l’éducation. Le fait que ce projet allait être mené non seulement collectivement mais aussi de manière interdisciplinaire a été déterminant, d’autant qu’il allait nous permettre de travailler avec des collègues du primaire : de quoi renforcer de manière concrète le lien essentiel qui doit exister entre l’école et le collège, et dont les bénéfices pour les élèves arrivant en 6° ne sont plus à démontrer. Et puis, en plus de nous permettre d’enrichir nos pratiques professionnelles individuelles, cette expérimentation favorise l’acquisition de compétences nouvelles par l’ensemble des élèves de notre bassin d’éducation ! Cela fait maintenant près de vingt ans que j’exerce dans les disciplines scientifiques et technologiques. Les travaux de groupes en “participatif” ou en “collaboratif” y sont préconisés afin de favoriser la réussite de tous les élèves. M’investir dans ce projet m’est finalement apparu comme une évidence ! Bref, c’est une occasion unique d’être au cœur d’un projet aussi innovant et high-tech qui peut déboucher sur la conception de nouveaux outils pédagogiques numériques, mais également sur la validation de pratiques professionnelles favorables au développement de la motivation des élèves et de leurs apprentissages à venir.

Dans le cadre d’e-TAC, quel projet menez-vous avec vos élèves, et dans quels objectifs ?

Dans le cadre des programmes de Technologie du cycle 4 et plus particulièrement pour le niveau de classe de 5ème, dans le cadre d’un projet de « co-conception », j’ai simplement adapté des activités favorisant un travail collaboratif. J’ai demandé à mes élèves, dans le respect d’un cahier des charges défini au préalable, de contribuer au développement d’objets ou outils interactifs ludiques, simples, efficaces, permettant d’animer, de préparer et structurer des séquences de travaux collaboratifs. Ces activités doivent déboucher sur une présentation d’une petite dizaine de prototypes d’un “régulateur d’ambiance” dont l’objectif est de favoriser l’autonomie des groupes, de permettre une meilleure prise en compte du timing dans les activités menées et de sensibiliser à la nécessité de respect des conditions de bruit durant les activités collectives. Les prototypes réalisés devront ensuite pouvoir servir durant les différentes étapes des prochaines « co-conceptions » et notamment pour le projet SVT / Français mené par mes collègues Céline Zydko, professeure de Sciences et Vie de la Terre qui coordonne et pilote le projet au sein de notre établissement, et Marie-Pierre Holtzer, professeure de Lettres.

Comment sont organisées les séances ?

Chaque élève intègre, pour le cycle complet de l’étude, un groupe de travail au sein de la classe qui est subdivisée en 5 à 6 îlots disposant chacun de 2 ordinateurs ou tablettes connectées. Les groupes de travail sont donc constitués de 4 à 6 élèves. Au cours de la première activité menée autour de l’utilisation d’un “serious game”, les collégiens apprennent à se connaître puis prennent connaissance des rôles à tenir au sein d’un groupe de travail collaboratif, l’idée étant d’être le plus efficace possible pour la suite du projet. Lors de la seconde activité et selon la répartition des rôles, ils planifient leur projet sur les 7 à 8 semaines suivantes tout en prenant en compte le matériel informatique, logiciels et répertoires dont ils disposent tout au long du projet. Lors des phases suivantes, ils prennent progressivement en compte le cahier des charges du prototype qu’ils doivent co-concevoir, analysent les solutions techniques envisageables, s’approprient les outils nécessaires selon les choix technologiques réalisés et préparent la communication autour de leur projet. Enfin, après avoir finalisé la fabrication et le montage de leur prototype, ils préparent les supports permettant de valoriser leurs travaux lors d’une restitution collective.

Avez-vous dû adapter votre activité pour le projet ?

Pour le moment, j’ai surtout adapté mon programme annuel autour de la période d’observation des activités menées en classe : environ 10 semaines suivies d’une séance de restitution. Seule différence remarquable, ces activités ont été filmées en temps réel, par une dizaine de caméras placées dans une salle de classe agencée en îlots informatisés et spécialement équipée comme un studio-télé. Les activités pédagogiques imaginées constituent un support qui permettra une observation puis une analyse à posteriori par les chercheurs des interactions entre les élèves d’un même groupe de travail. Mais mis à part la présence des caméras que tout le monde oublie finalement très vite, les séances de co-conception sont assez semblables aux activités que je mène habituellement. Cela devrait évoluer au début de l’année 2019 puisque nous disposerons alors des premiers prototypes d’interfaces tangibles qui sont en cours d’élaboration à l’INRIA Bordeaux. Nous pourrons alors les tester dans le même cadre pédagogique pour tenter d’en mesurer, avec les chercheurs messins, la “plus-value” pédagogique et l’amélioration de l’acquisition de compétences pour les élèves observés.

Comment collaborez-vous avec les chercheurs du projet ?

Cela fait près d’un an que les enseignants et les chercheurs collaborent étroitement. Notre travail et notre participation en tant qu’enseignants s’avère pour tout le monde une source de motivation supplémentaire dans ce projet. Après une courte phase d’observation, naturelle entre nos deux mondes qui sont à la fois si différents et finalement si proches, les barrières se sont rapidement levées des deux côtés - même des trois côtés si l’on considère que les élèves aussi sont amenés à côtoyer les chercheurs assez souvent et nouent également des liens avec certains d’entre eux ! La confiance mutuelle entre les chercheurs, qui avaient manifesté le souhait de nous associer au plus tôt dans leur projet, et les enseignants volontaires du primaire et du secondaire n’a fait que s’accroître au fil du temps. Le dynamisme et l’esprit perfectionniste qui animent les chercheurs est communicatif, et c’est aussi une des qualités de l’équipe complémentaire que nous formons avec les autres enseignants du primaire et du secondaire. Leurs connaissances théoriques pointues dans des domaines très variés et nos expertises concrètes acquises sur le terrain sont une source d’émulation ! Cela nous donne le sentiment de progresser dans nos pratiques professionnelles tout en nous ouvrant de nouveaux horizons, et ça c’est essentiel !